C'est une affaire qui fait grand bruit au Sénégal. Accusé de complicité de meurtre, de tentative de meurtre et association de malfaiteurs, pour des faits qui remontent à 2018, le journaliste René Capain Bassène a été condamné à la prison à vie, en 2022. A travers une lettre conjointe en initiation, adressée au Président Bassirou Diomaye Faye, les journalistes, chercheurs et acteurs de la société civile, le Comité pour la Protection des Journalistes (CPJ), tout en lui apportant leur soutien, demandent la libération du journaliste spécialiste du conflit séparatiste en Casamance. Un soutien renforcé notament par une enquête du CPJ qui a révélé les nombreuses incohérences dans la procédure ayant mené à sa condamnation, renforçant son innocence clamée depuis de nombreuses années.
L'affaire remonte en 2018, quand 14 coupeurs de bois ont été abbatus dans la forêt des Bayottes, dans le sud de la Casamance, au Sénégal. Par la suite, cette affaire a débouché sur l'arrestation su journaliste René Capain Bassène, huit jours après les meurtres. Puis condamné, quatre ans plus tard, à la prison à vie pour complicité de meurtre, de tentative de meurtre et association de malfaiteurs.
À travers des enquêtes rondement menés, assortis de témoignages à plusieurs niveaux, le CPJ révèle des failles et des incohérences dans la condamnation du journaliste pour des crimes qu’il n’aurait finalement commis.
En effet, l’examen des documents judiciaires dont était en possession le CPJ en fin 2024, et des entretiens avec Bassène, ses coaccusés et des témoins ont révélé que l’enquête sur le journaliste était entachée de nombreuses irrégularités. Dans les fais, plusieurs coaccusés ont déclaré qu'ils avaient été forcés d'incriminer le journaliste sous la contrainte. Ou encore, de signer des procès-verbaux d’interrogatoires erronés.
Aussi, le CPJ a-t-il également constaté que l’enquête s’appuyait sur des preuves incohérentes concernant le lieu où se trouvait Bassène le jour des meurtres et qu’il existait des raisons de douter de l’authenticité des courriels qu’il aurait envoyés.
Avant son arrestation, faut-il le préciser, le journaliste Capain Bassène était sur le point de terminer son quatrième livre sur le conflit entre les forces gouvernementales sénégalaises et le Mouvement séparatiste des forces démocratiques de la Casamance (MFDC). Déjà dans la préface de son troisième livre publié en janvier 2017, le journaliste rappelle avoir reçu des menaces de la part de combattants des deux camps et que les critiques l’avaient qualifié « de rebelle, ou d’espion à la solde de l’État du Sénégal ou du MFDC ».
« C’était un livre assez explosif dans lequel il mentionnait les organisations par leur nom et évoquait le problème de la coupe du bois », a déclaré au CPJ Xavier Diatta, un ami de Bassène.
Pour l'heure, après un premier rejeté, un deuxième appel de sa condamnation est actuellement devant la Cour suprême du Sénégal. Interrogé, Bassène a déclaré avoir été maltraité en détention. D'ailleurs, des documents médicaux font état d’une blessure à l’oreille à la suite d’un « traumatisme ».
Avant René Capain Bassène, plusieurs autres journalistes ont déjà fait l'objet d'expulsion ou d'intimidation pour avoir couvert un conflit qui, convient-il de le rappeler, a fait des milliers de morts et demeure un sujet sensible au Sénégal.