Acheter un terrain pour y contruire devient de plus en plus un luxe au Togo
Que ce soit à Lomé ou à l’intérieur du pays, acheter un terrain pour y construire devient un luxe que ne saurait plus se permettre qui veut. Le coût excessif des immeubles constitue un facteur de désertion pour le citoyen lambda.
Fort curieusement, des étrangers résidant dans le pays n’éprouvent aucune difficulté à s’offrir des terres pour construire leurs habitations ou pour diverses exploitations au moment où le Togolais végète dans la location dans des conditions effroyables. Pour les besoins de la cause, des mesures énergiques doivent être prises pour arrêter l’hémorragie.
Pour s’offrir un lot de terrain de dimension 10 x 30 m (6 ares), il faut verser au propriétaire au moins 30 millions de nos mignons francs si le terrain est bien situé, c’est-à-dire pas dans une zone marécageuse et disposant de toutes les garanties sécuritaires. Pour avoir accès à un demi-lot, il faut compter dans les 15 millions au bas mot. Mais au fil des jours, des semaines, des mois et des années, les prix ne cessent d’augmenter.
Mais dans le pays, les salaires au demeurant ridicules, sont au ralenti depuis des années. Et si pour des raisons folkloriques, il vient à l’idée aux dirigeants de les augmenter, c’est à une hausse des plus insignifiantes qu’on assiste, mais largement suffisante pour alimenter les propagandes politiques. Finalement, les terrains disponibles à Lomé sont, pour la plupart, cédés aux étrangers opérant dans le commerce, l’industrie et autres qui ont un portefeuille bien garni et de ce fait, multiplient des constructions plus ou moins imposantes à Lomé.
Cette ascension vertigineuse oblige les Togolais à aller chercher des terrains hors de la ville de Lomé, quelque part à Zanguéra, Tsévié, Kpomé etc. C’est dans ces contrées qu’aujourd’hui, des cadres de l’administration s’installent.
« C’est avec 15 ans d’économie que je suis arrivé à acheter ce demi lot. Pour construire, j’ai dû recourir à un prêt que j’ai soldé à quelques mois de mon admission à la retraite. Aujourd’hui, j’ai un ‘’chez’’ dans ce coin très reculé de la ville.
Malheureusement, j’ai des problèmes pour regrouper ma famille autour de moi. Ma femme trouve incommodant de venir s’installer ici et continuer son commerce au marché de Hédzranawoé. Mes filles préfèrent poursuivre leurs études aux côtés de leur maman. Cela veut dire que quoiqu’installé ici, je demeure locataire à Lomé. Rien de ceci n’arriverait si les étrangers n’avaient pas décidé de conquérir nos terres», confie, amer, un attaché d’administration, admis à la retraite.
Pour Victor Eléwossi, la cinquantaine, enseignant à Lomé, il faut se résigner. « J’ai réussi à construire ma propre maison aujourd’hui dans laquelle je réside. Mon problème, c’est la distance à parcourir chaque jour pour rallier mon poste. L’année dernière, j’ai introduit une demande d’affectation qui n’est pas encore traitée. De toute façon, je continue de faire avec ».
A l’intérieur du pays, le phénomène tourne au drame. D’après nos informations, ce ne sont plus des lots de 6 ares qui sont cédés aux étrangers, mais des dizaines d’hectares, et de surcroit, à des prix sacrifiés. Or le gouvernement a un programme ambitieux de développement agricole dont les populations rurales peuvent également bénéficier. Dans un contexte où les terrains ruraux sont cédés dans leur majorité aux étrangers, on se demande comment les paysans togolais qui se retrouvent pratiquement sans terres cultivables, peuvent participer à ce programme.
Le nouveau code foncier et domanial togolais, reprenant des dispositions de l’article 1er de la loi N°60-26 du 05 août 1960, stipule en son article 317: « Tout acte translatif de propriété foncière ou constitutif de droits réels à intervenir entre citoyen togolais et un étranger doit, à peine de nullité, être soumis à l’autorisation préalable de l’autorité publique. La même autorisation préalable est nécessaire à la validité de tout bail d’une durée supérieure à neuf ans, consenti par un citoyen togolais à un étranger. La nullité de l’acte ou du bail peut être poursuivie d’office par le ministère public».
Selon des sources dignes de foi, le code foncier précise par la suite que lorsqu’après autorisation, un étranger a acquis des droits énumérés à l’article 317 sus-évoqué, il ne peut transférer l’un de ces droits à un autre étranger que si ce dernier obtient lui-même une autorisation préalable de l’autorité publique délivrée dans les mêmes formes que la première. Pour l’heure, le code foncier ne mentionne pas les formalités que doit accomplir l’étranger pour obtenir l’autorisation préalable. Un décret d’application devra être pris pour énumérer lesdites formalités.
Pour mettre fin à la spéculation foncière et éviter que des Togolais ne se retrouvent sans terres leur appartenant dans leur propre pays, des réformes foncières consistantes s’imposent. D’abord des mécanismes doivent être définis pour rendre les prix des terrains abordables.
Ensuite, revoir la loi en vigueur de sorte que pour les étrangers et autres multinationales, seule une location des terres agricoles soit autorisée dans le pays.