Le taux de prévalence pour les mariages forcés au Togo vont de 51% à 94% dans certains cantons
Selon Amnesty International, chaque année, « des milliers d’enfants à travers le monde et plus particulièrement de jeunes filles, sont mariés avant l’âge de 18 ans. Parfois même souvent avant l’âge de 11 ans. Le partenaire qu’on leur impose est parfois beaucoup plus âgé qu’eux ». Pratique fréquente en Afrique de l’Ouest, le phénomène de mariage précoce n’épargne pas le Togo. Selon le ministère en charge de la Promotion de la femme, le taux de prévalence pour les mariages forcés au Togo est de 51% dans certains cantons, atteignant même 94% dans d’autres. Les signaux sont donc au rouge. La jeunesse étant l’avenir d’un pays, il urge d’agir.
Les chiffres font froid dans le dos
Selon les chiffres officiels actualisés, plus de 8.000 cas de grossesses précoces et de violences sexuelles ont été dénombrés en milieu scolaire au cours des trois dernières années. Et rien qu’en 2022, par exemple, 2.474 cas de grossesses chez les adolescentes ont été enregistrés dans les collèges et lycées du pays. Un drame en perspective que confirme, de son côté, l’UNFPA qui estime à 25% la proportion de mariage précoce en 2023 au Togo. Selon les chiffres officiels, le pays recense environ 3 000 grossesses en milieu scolaire chaque année. Le sujet est donc sérieux. Il faut agir.
Une décennie plus tôt, 30,7% de jeunes de 10 à 24 ans n’échappent pas aux phénomènes des grossesses et mariages précoces. Avec un taux de grossesses chez les adolescentes (15 à 19 ans) de 17% variant d’une région à une autre. 25,3% pour Kara et 19,0% pour Maritime sans Lomé commune.
S’agissant des mariages précoces, près d’un tiers des femmes entre 15 et 49 ans au Togo se sont mariées ou sont entrées en union libre avant l’âge de 18 ans. Par ailleurs, 7% de ces femmes se sont mariées avant l’âge de 15 ans. Et le tableau de bord de la protection des enfants au Togo en 2011 a relevé 2191 cas d’enfants victimes des mariages précoces ou forcés dont 14,5% de garçons et 85,5% de filles. Et à ce jour, le phénomène semble avoir la peau dure, fleurissant parfois sur la base des doctrines culturelles. Non sans conséquences. On se rappelle le drame survenu dans la localité d’Asrama au sujet de la perte tragique d’une jeune fille de 13 ans, victime d’un mariage forcé, un acte fermement condamné par le gouvernement. Une situation qui interpelle.
Une situation dramatique car ces grossesses se soldent, généralement, par une déperdition scolaire et, au pire des cas, par des invalidités ou encore des pertes en vies humaines souvent causées par des avortements provoqués et pratiqués dans des conditions clandestines. Ce phénomène constitue également une violation d’un droit humain fondamental, notamment la liberté de disposer de son corps et de sa propre vie.
« Ces fléaux qui nuisent au pays »
De Notsè à Togblékopé en passant par Sokodé et Tchamba où le mal semble plutôt bien ancré dans les mœurs, le ministère de l’Action Sociale, de la Solidarité et de la Promotion de la Femme, appuyé par ses Partenaires techniques et financiers (PTF), sensibilise sur ces phénomènes qui compromettent les droits fondamentaux, notamment le droit à l’éducation, à la santé et à la dignité des enfants, en particulier des filles.
La semaine dernière, des leaders d’opinion de la préfecture de Tchamba ont été invités à combattre ces deux fléaux. Pour particularité, la préfecture de Tchamba est ciblée du fait des taux alarmants de mariage et de grossesse précoces enregistrés ces dernières années malgré toutes les actions mises en œuvre pour l’éradication de ces fléaux.
« Le constat est triste. Le taux de prévalence pour les mariages forcés est de 51% dans certains cantons et atteint 94% dans d’autres. Raison pour laquelle il faut sensibiliser les uns et les autres sur la dangerosité de ces fléaux qui nuisent au pays et surtout aux jeunes filles qui sont les artisanes de notre avenir », a déclaré Dr Nakou Pascal, le Représentant du ministère en charge de l’Action Sociale, qui pointe du doigt les vices culturels. Et d’en appeler à la responsabilité des leaders religieux qui, estime-t-il, sont les premiers concernés dans cette lutte, car incarnant une autorité morale avec un rôle déterminant à jouer dans le changement des mentalités.
Transformer un drame en espoir
Conscients, les pouvoirs publics jouent leur va-tout. Outre le renforcement du cadre juridique (Code de l’enfant, Code pénal, loi contre les violences sexuelles en milieu scolaire), la mise en place de lignes vertes anonymes et gratuites (Allo 1011, 8284, 8250, 1014), la création de centres d’écoute, d’un protocole de prise en charge des victimes et d’espaces de concertation multi-acteurs, ces efforts du gouvernement semblent désormais soutenus par un puissant élan communautaire.
« Il est crucial d’insister et d’encourager les communautés et les parents à comprendre qu’en retardant l’âge du mariage, ils offrent ainsi à leurs filles la chance de grandir et de s’épanouir pleinement », a déclaré la Représentante Résidente de l’UNICEF au Togo lors de ce lancement, Arsène BAGRE. « Le choix d’Asrama pour le lancement de cette campagne n’est pas anodin. Il symbolise l’engagement du gouvernement à transformer un drame en espoir et en action collective », a ajouté Dr. Nakou.
On se rappelle que courant cette année scolaire, 43 élèves ont été sanctionnés par le gouvernement. Coupables de cas de grossesses sur des élèves filles, ils ont été exclus de tout établissement de la région jusqu’à la fin de l’année scolaire, mais avec une petite ouverture qu’ils peuvent être scolarisés dans une autre région. Une mesure certes sujette à caution, mais il urge des méthodes fortes pour endiguer le mal.